Adieu Monsieur Semprun

Publié le par trebiar

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C'était l'une des grandes figures humanistes du XXe siècle et un immense écrivain. L'Espagnol Jorge Semprun nous a quittés à l'âge de 87 ans et ce sont tous les amoureux d'une certaine idée de la liberté qui sont aujourd'hui en deuil.

C'était un homme de combat, un écrivain à la plume enfiévrée par des années de résistance contre le pouvoir franquiste. Le romancier Jorge Semprun est décédé à Paris, ce mardi, à l'âge de 87 ans, annonce notamment El Pais sur son site officiel. Il ne fait aucun doute que le deuil réunira la France et l'Espagne dans un même chagrin, tant le Madrilène de naissance était un citoyen du monde, l'humaniste d'un siècle aux heures souvent sombres qui l'ont marqué dans sa chair et ont forgé sa carrière d'écrivain. Issu d’une famille profondément républicaine – son grand-père, Antonio Maura a été à plusieurs reprises président du gouvernement espagnol au début du XXe siècle, son père a été gouverneur civil -, il prend le chemin de l’exil à l’âge de 14 ans, accompagné de ses six frères et soeurs, après que le général Franco est chassé le Front populaire espagnol du pouvoir. Nous sommes à l’aube de la seconde guerre mondiale. Après un détour par la Suisse puis les Pays-Bas, la famille de Jorge Semprun pose ses valises, en France, à Paris. C’est le temps des premiers amours et des révélations politiques.

UNE ŒUVRE UNIQUE

Pour le futur auteur de «L’écriture ou la vie», ce sera la littérature française, la philosophie des Lumières et les idées communistes. En 1941, il adhère à l'organisation communiste de la Résistance des Francs Tireurs et Partisans, puis entre l’année suivante au Parti communiste espagnol. Résistant en France à l’occupation nazie, il est arrêté par la Gestapo en 1943 et sera déporté dans le camp de concentration de Buchenwald. A la Libération, il retrouve Paris, sa ville d’adoption et commence alors une carrière de traduction auprès de l’Unesco. En 1953, Jorge Semprun reprend le combat, coordonnant les activités clandestines de résistance au régime de Franco au nom du Comité Central du Parti communiste espagnol en exil puis entrant au Comité Central et au bureau politique. Sous le pseudonyme de Frederico Sanchez, il signe alors de violentes diatribes contre la dictature, tout en débutant sa carrière d’écrivain de langue française. Libre penseur, il quitte le PC en 1964 pour se consacrer à ses écrits. Ministre de la Culture de 1988 à 1991 alors que la démocratie est rétablie en Espagne depuis moins une décennie, membre de l’Académie Goncourt de 1996 à sa mort, Jorge Semprun restera à jamais comme l’une des grandes figures de la résistance à la barbarie.

Cet amoureux des mots et du combat de la pensée a intimement lié son expérience de la vie à son œuvre. Ses essais et romans autobiographiques sur sa traumatisante expérience de déporté – citons sans souci d’exhaustivité «Le Grand Voyage», «Quel beau dimanche», «Le mort qu'il faut» ou encore «L'écriture ou la vie» - lui ont valu la reconnaissance internationale, mais ce sont peut-être ses récits de la période franquiste – «Autobiographie de Federico Sanchez» et «La deuxième mort de Ramon Mecader» - prix Fémina 1969 – qui démontrent avec le plus d’évidence de son génie littéraire. Dès 1966, il débutera également une carrière de scénariste pour le cinéma. Pour le grand écran, Jorge Semprun travaillera notamment avec Alain Resnais - «La Guerre est finie», «Stavisky», Costa-Gavras - «Z», «L'Aveu», «Section spéciale» - ou encore Yves Boisset. En 1974, il réalisera même un long métrage, «Les deux mémoires», avec un certain Alain Corneau comme asssitant et Maria Casarès, Yves Montand, François Périer, Georges Kiejman et Costa-Gavras dans la distribution. Le thème? La Guerre d'Espagne bien sûr, avec les témoignages de soldats des deux camps, afin de comprendre le mécanisme du Mal et l'absurdité de l'âme humaine. «La vie en soi pour elle-même n'est pas sacrée, il faudra bien s'habituer à cette terrible nudité métaphysique.», écrivait-il, dans «Adieu vive clarté». «Une tombe au creux des nuages» attend ce grand homme au paradis des écrivains. Point final

Publié dans Cinéma - Roman

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